Prouver les heures supplémentaires réalisées
-L'article L3171-4 du Code du travail précise que :
"En cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.
Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable."
Ainsi, en matière d'heures supplémentaires, la charge de la preuve n'appartient à aucune des parties en particulier et le juge forge sa conviction au vu des éléments apportés tant par le salarié que par l'employeur.
Il n'appartient en conséquence pas au salarié de prouver les heures supplémentaires réalisées mais uniquement de fournir des éléments suffisamment précis de nature à appuyer sa demande afin de permettre à l'employeur d'y répondre en fournissant ses propres éléments.
La Cour de cassation rappelle ainsi très régulièrement qu’il « appartient au salarié d’étayer sa demande par la production d’éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l’employeur de répondre en fournissant ses propres éléments » (Cass. Soc., 30 mai 2012, n°09-71.831), et notamment le décompte du temps de travail.
En effet, selon l'article L3171-2 du Code du travail : "lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés."
L'article D3171-8 précise quant à lui que "lorsque les salariés d'un atelier, d'un service ou d'une équipe, au sens de l'article D. 3171-7, ne travaillent pas selon le même horaire collectif de travail affiché, la durée du travail de chaque salarié concerné est décomptée selon les modalités suivantes :
- Quotidiennement, par enregistrement, selon tous moyens, des heures de début et de fin de chaque période de travail ou par le relevé du nombre d'heures de travail accomplies ;
- Chaque semaine, par récapitulation selon tous moyens du nombre d'heures de travail accomplies par chaque salarié."
Selon la Cour de cassation, suffisent à étayer la demande d'heures supplémentaires du salarié :
- La production d'un décompte établi par le salarié au crayon, calculé mois par mois, sans autre explication ni indication complémentaire (Cass. Soc., 24 novembre 2010, n°09-40.928) ;
- La production d'un récapitulatif dactylographié même non circonstancié (Cass. Soc., 15 décembre 2010, n°08-45.242) ;
- La production d'un tableau récapitulatif indiquant pour chaque semaine de travail un total de nombre d'heures supplémentaires accomplies (Cass. Soc., 10 octobre 2013, n°12-19.397) ;
Très récemment, dans un arrêt du 15 janvier 2020, la Cour de cassation est venue compléter sa jurisprudence, précisant que peu importe que le salarié « revendique des heures supplémentaires dont il n'a jamais fait état durant la relation contractuelle ni même mentionnées au titre de la réclamation de son solde de tout compte lors de sa démission » ou qu’il verse « des tableaux établis a posteriori pour les besoins de la cause sans reposer sur des éléments contemporains des heures revendiquées » (Cass. Soc., 15 janvier 2020, n°18-15.254).
L'employeur doit ensuite fournir ses propres éléments permettant de justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié (comme par exemple, les fiches de pointage).
S'il n'y parvient pas, il devrait en principe être condamné à un rappel de salaire, évalué souverainement par les juges du fond.
En effet, dans un arrêt récent du 18 mars 2020, la Cour de cassation est venue rappeler que, dans l'hypothèse où le juge retient l'existence d'heures supplémentaires, "il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant" (Cass. Soc., 18 mars 2020, n° 18-10.919).
Pour conclure, la charge de la preuve des heures supplémentaires est donc partagée entre le salarié et l'employeur, ce dernier ne pouvant se contenter de contester la demande du salarié sans fournir aucun élément.
Conseils et astuces :
Si vous réalisez des heures supplémentaires que votre employeur rechigne à vous payer, il vous faudra toujours produire, en cas d'action en justice, des éléments permettant d'étayer votre demande de rappel de salaire.
C'est pourquoi il est conseillé de :
- Noter chaque jour dans un agenda les heures de travail réalisées (heures de prise et de fin de poste et heures de pause) ;
- Conserver les courriels envoyés dans un cadre professionnel permettant de démontrer les heures auxquelles vous commencez et finissez votre journée et ainsi votre amplitude de travail ;
- Ne pas hésiter à envoyer à votre responsable des courriels dans lesquels vous faites part de votre charge de travail et de la réalisation d'heures supplémentaires ;
- Demander aux salariés qui quittent l'entreprise d'attester des heures supplémentaires que vous devez réaliser.